Le 14 août 2020, le Parlement ghanéen a adopté une loi créant Agyapa Royalties et ouvrant la voie à son introduction à la bourse de Londres. Véhicule spécial d’investissement, chargé de gérer les actifs et les redevances du gouvernement dans le secteur minier, cette société était alors vue comme un moyen pour le Ghana d’obtenir des fonds sur les marchés financiers grâce à ses ressources naturelles. Plus d’un an après, en raison de soupçons liés à une mise en œuvre opaque, Agyapa Royalties est encore à l’état de projet, alors que sa réussite pourrait devenir un exemple intéressant pour les autres pays miniers du continent.

Dans le secteur minier, le développement d’un projet, des premiers travaux d’exploration à la construction et la mise en service de la mine, nécessitent très souvent des investissements importants, allant de quelques millions à des centaines de millions $. Pour mobiliser les fonds tout au long du processus, les compagnies peuvent s’appuyer sur des prêts auprès d’institutions financières ou recourir à la bourse. Dans ce dernier cas, elles ont intérêt à disposer d’un projet suffisamment prometteur afin de pouvoir susciter, sur la seule base du titre de propriété qu’elles détiennent sur l’actif, l’intérêt d’investisseurs prêts à mettre leurs fonds à disposition.

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Ken Ofori-Atta, ministre des Finances et ardent défenseur du projet Agyapa Royalties.

Cette dernière manière d’obtenir du financement a donné des idées au gouvernement ghanéen qui, après avoir fait voter en 2018 une loi portant création du Fonds d’investissement des revenus miniers (MIIF), a décidé de mettre sur pied une société avec un objectif assez similaire. 

Pour mobiliser les fonds tout au long du processus, les compagnies peuvent s’appuyer sur des prêts auprès d’institutions financières ou recourir à la bourse, mais… 

Seulement, au lieu de mobiliser des fonds pour construire des mines au Ghana, l’argent collecté par Agyapa Royalties servira directement au développement du pays et à l’épanouissement des populations. Selon Ken Ofori-Atta, ministre des Finances et ardent défenseur du projet au niveau du gouvernement, Agyapa Royalties donnerait à l’État de l’argent à investir dans la santé, l’éducation, les infrastructures routières et le logement. Pour obtenir ces fonds, le gouvernement compte céder 49% d’intérêts dans ce véhicule spécial d’investissement à des entités privés grâce à l’introduction à la bourse de Londres, gardant pour lui 51% d’intérêts afin de demeurer l’actionnaire majoritaire.

Pour obtenir ces fonds, le gouvernement compte céder 49% d’intérêts dans ce véhicule spécial d’investissement à des entités privés grâce à l’introduction à la bourse de Londres, gardant pour lui 51% d’intérêts afin de demeurer l’actionnaire majoritaire.

Il faut aussi souligner que la création de cette société intervient dans un contexte marqué par la volonté du chef d’État ghanéen de ne plus avoir recours aux crédits du Fonds monétaire international pour financer son budget. Or, les fonds récoltés ne viendraient pas alourdir le fardeau de la dette, constituant donc une source de revenus supplémentaires pour que Nana Akufo-Addo puisse réussir son pari. De plus, en tant que société d’investissement, Agyapa peut placer les revenus récoltés auprès des compagnies minières actives dans le pays dans des actifs financiers qui rapporteraient des bénéfices à l’État.

Des insuffisances rédhibitoires

En octobre 2020, près de deux mois après le vote de la loi, la presse ghanéenne annonce la suspension du projet, citant un document du ministère des Finances. Le gouvernement plie alors sous une avalanche des critiques consécutive à l’adoption du texte par les députés. Plusieurs choses sont reprochées au projet, notamment sa durée quasi illimitée. Il est en effet valable tant que les permis miniers accordés aux compagnies minières qui verseront les redevances restent valides, ce qui signifie que toute prolongation d’un permis minier signifie une prolongation de la durée de vie d’Agyapa Royalties. Par exemple, le bail minier accordé pour l’exploitation de l’or d’Obuasi est constamment renouvelé depuis un siècle. De plus, le projet utilise une estimation sous-évaluée de la production annuelle d’or au Ghana, qui serait de 2,9 millions d’onces sur la durée de l’accord, alors que le pays produit plus de 4 millions d’onces depuis quelques années, avec une croissance constante sauf cas de force majeure comme une pandémie mondiale l’année dernière.

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Pour Martin Amidu, procureur spécial anticorruption du Ghana, le processus est entaché d’irrégularités. 

Le gouvernement prend par ailleurs pour base un prix de l’or de 1300 $ l’once à long terme, alors qu’avant son rallye de l’année dernière, le métal jaune était déjà au-dessus de ce palier et que plusieurs analystes le voient se négocier autour de 1800 $ l’once à long terme.

Ces trois « problèmes » parmi la dizaine identifiée par les organisations de la société civile ghanéenne auront malheureusement un impact énorme sur les revenus que le pays va récupérer en lançant officiellement Agyapa. C’est en effet sur la base des estimations contestées ci-dessus que le gouvernement a indiqué attendre 500 millions $ environ pour l’introduction en bourse de la société avec l’émission de 49% des actions. Cela suppose une valorisation boursière légèrement supérieure à 1 milliard $, ce qui revient à sous-évaluer de plus de 65% les ressources minérales du Ghana, d’après le groupe de réflexion ghanéen Imani Center for Policy & Education. 

Cela suppose une valorisation boursière légèrement supérieure à 1 milliard $, ce qui revient à sous-évaluer de plus de 65% les ressources minérales du Ghana, d’après le groupe de réflexion ghanéen Imani Center for Policy & Education. 

Pour finir, Agyapa Royalties est incorporé à l’île de Jersey, une dépendance de la couronne britannique considérée comme un paradis fiscal. Cela accentue le manque de transparence lié à ce projet dont les documents ne sont toujours pas officiellement disponibles. Le procureur général du Ghana lui-même a dû attendre un an avant que les services du ministère des Finances lui transmettent les documents pour leur examen juridique.

Encore plus inquiétant, Martin Amidu, le procureur spécial anticorruption du Ghana a confirmé la plupart de ces irrégularités, allant jusqu’à identifier des collusions entre le sud-africain Imara Corporate Finance, engagé comme conseiller sur le projet, et le ghanéen Databank Financial Services, une société dont l’un des fondateurs est le ministre des Finances Ken Ofori-Atta.

Martin Amidu, le procureur spécial anticorruption du Ghana a confirmé la plupart de ces irrégularités, allant jusqu’à identifier des collusions entre le sud-africain Imara Corporate Finance, engagé comme conseiller sur le projet, et le ghanéen Databank Financial Services, une société dont l’un des fondateurs est le ministre des Finances Ken Ofori-Atta. 

Quelque temps après la publication de son rapport accablant pour l’administration Nana Akufo-Addo, le procureur spécial a présenté sa démission au président, en évoquant un manque d’indépendance et des pressions. Un évènement qui n’a pas contribué à calmer les inquiétudes des détracteurs du projet et a alimenté les débats au cours de la dernière campagne présidentielle. L’ancien président John Dramani Mahama et rival de Nana Akufo-Addo aux élections, a même promis d’enterrer le dossier s’il était élu. Il a finalement perdu les élections, mais considère toujours que la mise en œuvre d’Agyapa Royalties revient à « hypothéquer l’avenir de la jeunesse » ghanéenne.

Un succès encore possible

Après avoir annoncé la suspension du projet l’année dernière, le gouvernement ghanéen a entrepris un réexamen des diverses clauses portant création et introduction en bourse d’Agyapa Royalties. En marge de l’installation du conseil d’administration du MIIIF le 12 octobre dernier, M. Ofori Atta a indiqué que ce réexamen est terminé et que le nouveau projet sera présenté au Parlement. Au risque d’entrainer une nouvelle levée de boucliers, ce nouveau projet a intérêt à être mieux ficelé, non seulement à cause des avantages qu’il pourrait apporter au peuple ghanéen, mais aussi parce que sa réussite pourrait servir d’exemple. Le succès d’Agyapa Royalties peut en effet inspirer d’autres juridictions minières du continent et participer à la disparition du concept de « malédiction des matières premières » en Afrique.

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