Cameroun

■ Ce qu’il ignore et qu’il doit savoir

ENQUÊTE EXCLUSIVE…

 

L’importateur a découvert avec effroi que la quasi-totalité d’une cargaison de produits halieutiques constituée de 432 conteneurs a été débranché sans raisons au Port de Douala. Dans un jeu malsain qui frise l’irresponsabilité dans sa forme la plus inacceptable, la Régie du Terminal à conteneurs et le transporteur se rejettent la faute et tentent de flouer l’homme d’affaires, au grand dam des populations.  CONGELCAM qui a importé 3 000 conteneurs de produits halieutiques au cours des quatre premiers mois de l’année 2023, crie à un dysfonctionnement dans le processus de conservation de ces conteneurs, ayant provoqué une dégradation avancée de leurs contenus. Le ministre du Commerce a été saisi pour arbitrage.

La tension persiste entre la Régie du terminal à conteneurs (RTC) du Port de Douala-Bonaberi et les importateurs de produits halieutiques. À travers plusieurs correspondances, Dieudonné Onana Ndoh, le Directeur délégué de cette filiale du Port autonome de Douala, saisissait ces derniers pour enlèvement de leurs stocks de produits importés, maintenus dans des conteneurs frigorifiques positionnés au terminal à conteneurs du Port de Douala. « Par des mises en demeure respectives des 20 février et 14 avril 2023, je vous demandais de procéder à l’enlèvement immédiat de vos conteneurs frigorifiques entreposés au terminal », relevait le Directeur délégué de la RTC, dans sa correspondance. Des conteneurs estimés  800 unités stationnées sur ce terminal.

 

Dieudonné Onana Ndoh, Directeur délégué de la Régie du terminal à conteneurs (RTC) du Port de Douala-Bonaberi

 

Principal importateur des produits halieutiques, Congelés du Cameroun (CONGELCAM), qui a importé sur le territoire Camerounais environ 3 000 conteneurs frigorifiques de janvier à Avril 2023, est pointé du doigt. L’entreprise dirigée par Sylvestre  Ngouchinghe dispose d’environ 650 conteneurs immobilisés au Port de Douala. Dans une sortie ce 5 juin 2023, ses responsables accusent plutôt la RTC et les importateurs maritimes. « Après des investigations poussées au niveau du parc, plusieurs conteneurs restent pendant des jours, voire des semaines, non branchés sur des prises, entraînant la rupture de la chaîne de froid, le poisson étant une denrée extrêmement périssable », affirment les responsables de cette entreprise. Ces derniers indiquent avoir saisi le ministre du commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, pour « intervention urgente ». Ce, précisent-ils, après avoir proposé à la Direction déléguée de la RTC, « la mise à disposition des groupes électrogènes pour assurer le branchement régulier des conteneurs CONGELCAM».

Inspection

 

Dieudonné Onana Ndoh, le Directeur délégué de la RTC, avait, quant à lui, interpellé le 20 février 2023,  Louis Eboupeke, le Directeur général de l’Autorité portuaire nationale (APN), dans une correspondance dans laquelle, il sollicitait son intervention afin que « des dispositions soient prises pour une décongestion du parc frigorifique du terminal en procédant aux enlèvements immédiats des produits halieutiques ». À la suite de plusieurs correspondances adressées aux importateurs.

 

 

Sauf qu’entre temps, CONGELCAM souhaite avoir accès aux courbes de température, graphiques qui retracent l’évolution des températures de l’embarquement à la livraison, car, selon l’importateur, « il y’a eu rupture de la chaîne de froid », explique-t-on. Une inspection immédiate  avant enlèvement effectuée sous l’accord du Délégué régional du Ministère de l’élevage des pêches et des industries animales (MINEPIA) pour le Littoral, a débouché sur un  constat d’avarie sur 7 conteneurs sur un échantillon de 27.

À la RTC, on estime que « tout a été parfaitement contrôlé », en insistant sur le risque de congestion du terminal à conteneurs, et de graves menaces sur le plan sanitaire: « Il y a des conteneurs de plus de 90 jours. Le terminal empeste déjà. C’est le lieu d’interpeller ici les autorités phytosanitaires et les organisations de protection  des consommateurs, car le port commence à empester et la qualité du poisson stocké au port est fortement entamée», indiquait Dieudonné Onana Ndoh, le 24 mai 2023. Dans une autre correspondance de ce 1er juin 2023, le Directeur délégué de la RTC parle de « saturation volontaire des capacités du terminal à conteneurs du Port de Douala-Bonaberi par CONGELCAM qui entraîne de fortes perturbations sur l’approvisionnement des autres produits réfrigérés ».

 

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Avaries

De fait, depuis le mois de février 2023, la société CONGELCAM souffre le martyr au port autonome de Douala (PAD) en raison des méprises de la Régie du Terminal à containers (RTC). La société de l’homme d’affaires Sylvestre Ngouchingue, a reçu des containers de produits halieutiques avariés des mains de la RTC. Croyant à un cas isolé, le nombre de containers de poissons avariés va se démultiplier, accentuant ainsi les pertes de l’entreprise et la rareté du poisson sur le marché. Face à cette situation, l’entreprise va engager une série de démarches tendant à élucider cette situation préjudiciable et lourde de dommages.

 

Sylvestre Ngouchinghe

Sylvestre Ngouchinghe, Homme d’Affaires, PDG de CONGELCAM

 

«Nous avons reçu courant février 2023 des containeurs et avons constaté que des produits étaient avariés. Nous avons pris la responsabilité de les détruire. Pensant avoir à faire à un cas isolé de marchandises endommagées. Grande a été notre surprise de constater après réception de quelques conteneurs au mois de mars que 04 autres étaient en état de dégradation avancée. Depuis lors, des cas de conteneurs avariés se multipliés, aiguisant ainsi notre détermination à savoir les raisons de ce dysfonctionnement dommageable », retrace Sylvestre Ngouchingue, PDG de CONGELCAM face à la presse le 5 juin 2023.

Jeu de ping-pong

Les multiples alertes en direction des responsables de la RTC n’ont servi qu’à entretenir la langue de bois et à donner des assurances fallacieuses qui n’ont pas arrangé la situation. Pendant ce temps, le volume de conteneurs de poissons avariés ne cesse d’augmenter. Aussi l’entreprise décide-t-elle de mener des investigations plus poussées. «Ces investigations nous ont conduits à constater que pendant des jours, voire des semaines, plusieurs conteneurs restent non-branchés sur des prises. Faisant ainsi baisser drastiquement la courbe des températures initiales et entraînant la rupture de la chaîne du froid, le poisson étant une denrée extrêmement périssable», explique l’homme d’affaires.

Luc Magloire Mbarga Atangana, Ministre du commerce

À partir de cet instant, le service logistique de l’importateur de poissons et de produits halieutiques va entamer des démarches visant à obtenir les courbes de températures de la RTC. «EN VAIN !!». La sommation de les communiquer par voie d’huissier ne va pas contraindre la RTC, à informer l’importateur de l’évolution de la température dans ses conteneurs. «Il se trouve que depuis février 2023, la RTC s’est dérobée de ses obligations en prenant sur elle de faire débarquer des conteneurs de produits halieutiques qu’elle ne branche pas par la suite, accélérant ainsi leur détérioration », constate amèrement Sylvestre Ngouchingue.

Fin de non-recevoir

Ces constats des plus déplorables vont amener l’homme d’affaires à proposer à la RTC la fourniture des générateurs de secours de 500KVA en attendant la livraison de la cargaison par le transporteur, pour brancher ses conteneurs et maintenir au passage la chaîne de froid. Ce à quoi les responsables vont opposer une fin de non-recevoir inexplicable. «Même notre proposition de mettre à leur disposition des ingénieurs pour contrôler les courbes de température a été balayée du revers de la main. Nous avons sollicité des huissiers pour aller faire les constats sur les conteneurs. Mais l’accès au parc nous a été interdits », explique le PDG.

 Au cours d’une réunion convoquée par le chef secteur des douanes qui a vu la participation de la RTC, des responsables régionaux des Ministères de l’Elevage, des Pêches et des industries animales ainsi que celui de la Santé, des transporteurs maritimes et des services de l’Environnement, non seulement la RTC ne va pas obtempérer aux résolutions qui lui enjoignent de laisser l’importateur procéder à l’inspection des conteneurs avant enlèvement, mais cette structure et les transporteurs vont se rejeter la responsabilité de la cause des avaries.

Avis conformes

Face à ce jeu de ping-pong, CONGELCAM a tenu à éclairer l’opinion sur le fait que ses cargaisons reçoivent tous les avis conformes des structures compétentes avant embarquement des cargaisons dans les bateaux. «La société CONGELCAM en ce qui la concerne, obtient au départ pour les produits qu’elle met sur le marché camerounais avant l’embarquement, tous les certificats vétérinaires et sanitaires attestant de la bonne qualité des produits des organismes compétents auprès des pays d’embarquement et des fournisseurs. Nous vous indiquons que l’Agence des normes et de la qualité intervient dans le processus de contrôle de la qualité avant tout embarquement en direction du Cameroun », précise le PDG.

Une vue du port de Douala-Bonaberi

 

Plus grave, s’agissant de la responsabilité sur les avaries, selon les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le transport de marchandises par Mer de 1978, l’article 4 qui traite de la responsabilité des transporteurs stipule à l’alinéa 1 que « dans la présente Convention, la responsabilité du transporteur en ce qui concerne les marchandises, couvre la période pendant laquelle les marchandises sont sous sa garde au port de chargement, durant le transport et au port de déchargement ».

À l’alinéa 2, la Convention est plus précise. «Aux fins du paragraphe 1 du présent article, les marchandises sont réputées être sous la garde du transporteur : (…) À partir du moment où celui-ci les prend en charge des mains du chargeur ou d’une personne agissant pour son compte; ou d’une autorité ou autre tiers auquel les marchandises doivent être remises pour expédition, conformément aux lois et règlements applicables au port de chargement; jusqu’au moment où il en effectue la livraison en remettant les marchandises au destinataire; ou dans les cas où le destinataire ne reçoit pas les marchandises du transporteur, en les mettant à la disposition du destinataire conformément au contrat ou aux lois ou aux usages du commerce considéré applicable au port de déchargement; ou en remettant les marchandises à une autorité ou autre tiers auquel elles doivent être remises conformément aux lois et règlements applicables au port de déchargement. »

La RTC et le transporteur responsables

Dans le cas d’espèces, la cargaison reste à l’entière responsabilité du transporteur et le rôle de la RTC doit être clairement établi dans le non-branchement des cargaisons de poissons appartenant à CONGELCAM mises à sa disposition par le transporteur. Et l’article 5 de trancher : «Le transporteur est responsable du préjudice résultant des pertes ou dommages subis par les marchandises ainsi que du retard à la livraison, si l’événement qui a causé la perte, le dommage ou le retard a eu lieu pendant que les marchandises étaient sous sa garde au sens de l’article 4, à moins qu’il ne prouve que lui-même, ses préposés ou mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l’événement et ses conséquences ».

Arbitrages

Fait curieux, au cours de la réunion convoquée par le chef secteur des douanes, la RTC a déclaré avoir isolé 27 conteneurs qu’elle considère comme avariés. Une inspection immédiate de 10 conteneurs  triés au hasard dans ce lot, a permis de constater que 07 sur les 10 étaient avariés. Toute chose qui conforte l’opérateur économique dans le fait que tous les conteneurs doivent être inspectés avant enlèvement.

Face aux risques que font courir la RTC et le transporteur aux consommateurs, notamment la perspective de pénuries organisées et entretenues par la RTC dans un contexte de vie chère et de précarité des ménages, CONGELCAM a sollicité l’arbitrage du ministre du Commerce afin qu’il sauve les consommateurs qui ont droit à des produits de qualité.

 

Mesures compensatoires

Les différents arbitrages opérés depuis la survenue de cette affaire n’ont pas satisfait l’opérateur qui est l’un des plus gros contributeurs au fisc camerounais. Seul constat, les différentes parties prenantes notamment la Régie du terminal à containers et les autres membres de la communauté portuaire ne s’accordent pas sur la responsabilité des avaries subies par les cargaisons de poissons importées par l’opérateur depuis le début d’année. Toutefois, des sources proches des milieux portuaires à Douala indiquent que l’opérateur subit un acharnement qui dissimule mal des desseins inavoués.

Selon un expert en économie, la situation exhale des relents de complot ourdi contre celui que les uns et les autres présentent comme détenteur d’un monopole de fait dans une économie libérale. Pourtant, le marché compte bien d’autres opérateurs. Au-delà, l’arbitrage de la Présidence de la République est attendu pour que des mesures compensatoires soient trouvées pour l’homme d’affaires. Pas moins de 15 milliards de FCFA doivent être remboursés au titre des dommages et intérêts dans cette affaire rocambolesque.

 

Prosper AKPOVI

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Presse 1026